Ne pas laisser tuer

Ne Pas Laisser Tuer

(article du 9/11/23 de la Sangha Still Water de la région de Washington D.C. - V.O. ici)

Chers amis de la Sangha

En 2002, le romancier israélien et militant pacifiste Amos Oz a écrit un essai dans lequel il qualifiait la discorde entre les Juifs israéliens et les Arabes palestiniens de « conflit douloureux entre le droit et le droit, entre deux revendications très puissantes et très convaincantes sur le même petit pays ». Il a comparé la situation à un couple divorcé sans autre option de logement et devant trouver un moyen de continuer à vivre ensemble dans son petit appartement. Donner à chacun d'eux une chambre séparée pourrait être une décision facile, mais il serait plus compliqué de savoir comment partager la salle de bain et la cuisine. Comment pourraient-ils vivre ensemble en paix pour que tous deux puissent s’épanouir ?

Si l’on reprend l’analogie d’Oz, on pourrait dire qu’après plusieurs décennies passées à partager l’appartement sans s’accepter, ni compréhension ou compassion, le couple divorcé s’agresse désormais avec une grande violence, et cette violence s’est propagée à leurs familles élargies.

Avec des images de violence et de destruction à Gaza et en Israël qui occupent une place importante dans nos médias et dans nos esprits, nous concentrerons notre attention ce jeudi soir sur le Premier Entraînement à la Pleine Conscience, Respect de la Vie : 

Conscient·e de la souffrance provoquée par la destruction de la vie, je suis determiné·e à cultiver ma compréhension de l’inter-être et ma compassion, afin d’apprendre comment protéger la vie des personnes, des animaux, des plantes et des minéraux. Je m’engage à ne pas tuer, à ne pas laisser tuer et à ne soutenir aucun acte meurtrier dans le monde, dans mes pensées ou dans ma façon de vivre. Je comprends que toute violence causée notamment par le fanatisme, la haine, l’avidité, la peur, a son origine dans une vue dualiste et discriminante. Je m’entraînerai à tout regarder avec ouverture, sans discrimination ni attachement à aucune vue, ni à aucune idéologie, pour œuvrer à transformer la violence et le dogmatisme qui demeurent en moi et dans le monde.

En examinant cet entraînement cette semaine, je ne cessais de revenir à la phrase « Ne pas laisser tuer».

Comment
faire ?

Dans la dernière phrase de
l’entraînement, Thay (Thich Nhat Hanh) indique par où on peut commencer. Si nous pratiquons de tout cœur et pouvons « tout regarder avec ouverture, sans discrimination ni attachement à aucune vue», nous pouvons réduire « la violence et le dogmatisme » en nous et dans le monde. Mais parfois, il semble que même cela ne suffise pas.

Je trouve que le conseil de Thay sur la non-violence est subtil, ouvert et non dogmatique. En 2011, lors d'une séancede questions et réponses, un pratiquant lui a demandé : « Face à une violence extrême telle que le génocide, n’est-il jamais acceptable de répondre à la violence par l'action, y compris par l'action violente ? » Thay a commencé par expliquer que c'est notre intention intérieure qui détermine si une réponse est non-violente ou violente, et non ce que nous faisons ou ne faisons pas :

L'action non-violente n'est pas une technique. C'est une manière d’agir, pas une technique. Le fondement de l’action non-violente est la compréhension et la compassion. Lorsque vous avez de la compréhension et de la compassion dans votre cœur, tout ce que vous ferez sera non-violent.
Supposons que quelqu'un tue, que quelqu'un enfreigne la loi et que vous l'arrêtiez et le mettiez en prison. Arrêter cette personne et la mettre en prison, est-ce violent ou non-violent ? Cela dépend de la situation. Si vous arrêtez cette personne, si vous l’enfermez mais le faites par compréhension et compassion, c’est une action non violente.
Même si vous ne faites rien, si vous permettez aux gens de tuer et de détruire sans rien faire, cela est aussi de la violence. La violence peut être une action ou une non-action. L’apparence extérieure peut être violente, mais si vous le faites avec un esprit de compréhension et de compassion, ce n’est pas vraiment violent. …

L'action non-violente doit être conçue comme une action à long terme. Lorsque vous
apprenez quelque chose à votre enfant, lorsque vous lui dites comment agir, votre action est non-violente. Vous n’attendez pas que l’enfant grandisse et commence à détruire ou à tuer pour lui apprendre. Vous devez prendre des mesures préventives. …
Je pense que la non-violence ne peut jamais être vraiment absolue. Disons que nous devrions être aussi non-violents que possible. Quand nous pensons aux militaires, nous pensons que tout ce qu’ils font est violent. Mais pour diriger une armée, protéger une ville, éviter l’invasion d’une armée étrangère, il y a de nombreuses façons de faire. Il y a des façons plus violentes et il y a des façons moins violentes. Vous avez toujours le choix.
Peut-être qu’il n’est pas possible de le faire à 100 % de manière non-violente, mais de manière 80% non-violente c’est mieux que de manière 10 % non-violente ! Vous voyez ? Alors ne demandez pas l’absolu. C’est ainsi que nous pratiquons les Cinq Entraînements à la Pleine Conscience. Vous ne pouvez pas être parfait dans la pratique. Ne vous inquiétez pas de ne pas être parfait. … ce qui est important, c’est que vous soyez déterminé à suivre cette voie. Vous faites de votre mieux, c'est ce dont nous avons besoin. … Donc les Cinq Entraînements sont ainsi. Vous devez aller dans le sens de la compréhension et de la compassion. Vous n’êtes pas obligé d’être parfait. Si vous savez que vous faites de votre mieux, cela suffit pour la Sangha. Autrement dit, cela suffit au Bouddha. La non-violence est donc la même chose. Nous devons faire de notre mieux.

  Je suis horrifié, effrayé et profondément attristé par la violence et la destruction qui ont eu lieu au cours du mois dernier en Israël, à Gaza et en Cisjordanie. Pour reprendre une expression du moine trappiste et écrivain Thomas Merton, je ne veux pas être un « spectateur coupable ». Quand je me demande « Qu'est-ce que je peux faire aujourd'hui ? » quatre sortes d’actions me viennent à l’esprit.

  • Je peux prier pour un cessez-le-feu, pour une augmentation de la compassion et de la compréhension entre toutes les parties, et pour un processus menant à une paix juste et durable. Je peux faire connaître à mes élus et à d’autres mon désir de paix. La communauté mondiale du Village des Pruniers a récemment publié un article sur le conflit, y compris une méditation guidée et une lettre au président Biden.

  • Je peux envoyer du Metta (bonté aimante) à tous ceux qui vivent en Israël et en Palestine. Je peux imaginer des individus et des groupes dans mon esprit et sincèrement dire : « Puissiez-vous être en bonne santé physique et mentale », Puissiez-vous être à l’abri de tout danger, intérieurs et extérieurs », « Puissiez-vous être vraiment heureux et libre ». Lorsque je fais cette pratique, j’inclus les dirigeants d’Israël et du Hamas. Je suis sûr que s’ils se sentaient un peu plus en sécurité et heureux, leur cœur serait plus ouvert et leurs actions seraient moins violentes.

  • Je peux apporter un soutien spirituel et financier à des organisations qui œuvrent pour nourrir la compassion et la compréhension en Israël et en Palestine, telles que :

  • Et je peux offrir un soutien moral et financier aux organisations qui répondent déjà à la crise humanitaire croissante à Gaza, telles que :